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samedi 1 octobre 2011

L'impunité de Blair plus sacrée que la liberté de Polanski

Roman Polanski, victime d’un coup monté, reçoit enfin son prix à Zurich. Deux ans jour pour jour après son arrestation, le cinéaste, auteur de The Ghost Writer, a enfin pu venir chercher son prix d'honneur. «”Cette fois, il est là!” C'est par ces mots que la présentatrice du gala en l'honneur de Roman Polanski a accueilli mardi soir (27 septembre 2011) le metteur en scène au Festival du film de Zurich. Un moment que l'on attendait tous, une image que l'on osait plus espérer». 

C’est à Zurich le 26 septembre 2009, dans un pays où il croyait pouvoir circuler librement, que les ennuis de Polanski ont commencé. Il y a donc deux ans, on s’en souvient, les autorités suisses ont procédé à son arrestation lors de son arrivée à l’aéroport de Zurich, alors qu’il souhaitait se rendre au festival du film pour y recevoir son prix. Le cinéaste est immédiatement conduit en prison où il terminera son film The Ghost Writer. Puis, après plusieurs mois de détention, le réalisateur a été placé en résidence surveillée dans son chalet à Gstaad. En juillet 2010, il a finalement été libéré. La demande d’extradition a été rejetée par les autorités suisses, les États-Unis ayant refusé de délivrer tous les documents nécessaires.  

Le fait d’utiliser l’invitation à un festival a été ressenti comme une trahison par les cinéastes et auteurs français, européens, américains et du monde entier. «Il leur semblait inadmissible qu'une manifestation culturelle internationale, rendant hommage à l'un des plus grands cinéastes contemporains, puisse être transformée en traquenard policier» (extrait de la pétition contre l’arrestation de Roman Polanski initié par la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques). Alors, comment expliquer qu'une affaire judiciaire jugée il y a 33 ans ait donné lieu à son arrestation? Pourquoi la Suisse a-t-elle, subitement, décidé de l’arrêter, alors que celui-ci se rendait régulièrement dans le pays, en particulier parce qu’il y a un chalet à la station de ski de Gstaadt, dont il est le propriétaire depuis 30 ans? 

Cette arrestation spectaculaire avait une seule motivation : le film The Ghost Writer où un «nègre» littéraire découvre le sulfureux passé de son patron, un ex-premier ministre inspiré par Tony Blair. Un brave gars, au talent modeste, se retrouve chargé d'écrire les Mémoires de l'ancien Premier ministre britannique Adam Lang... Tâche complexe puisque Lang est poursuivi par la vindicte populaire depuis qu'il a engagé son pays dans l'invasion militaire de l'Irak... Le personnage fait d'autant plus penser à Tony Blair qu'il est doté d'une épouse brune au caractère difficile - modèle Cherie - et d'un ancien ministre devenu son pire détracteur - modèle Robin Cook - explique Robert Harris l’auteur du livre The Ghost. «Je pensais d'abord écrire une pièce de théâtre. J'avais pensé à cette idée d'un triangle entre un nègre , un leader politique et sa femme, jeune de préférence. Je n'arrivais pas à trouver qui serait ce leader politique.  En septembre 2006, un flash à la radio nous informait qu'on cherchait à poursuivre Tony Blair devant une cour de justice internationale, et le seul moyen d'échapper à la justice pour lui était de s'exiler aux États-Unis. Lorsque je fais son bilan, je ne vois pas une seule de ses initiatives qui n'ait pas été orchestrée en faveur des États-Unis» (propos recueillis par Samuel Blumenfeld, Le monde 02.03.10).

L’arrestation de Roman Polanski était directement reliée au portrait peu flatteur de Tony Blair alias Adam Lang. Car il n’était pas envisageable, pour les amis de Tony Blair, que le film The Ghost Writer et sa promotion par le cinéaste relancent la campagne contre la scandaleuse impunité dont il profite malgré sa responsabilité dans les crimes d’agression, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité en Irak. Faut-il alors s’étonner du soutien indéfectible de quelqu’un comme Bernard Henri Lévy auprès de Polanski quand on sait qu’il a appuyé avec ferveur la guerre en Irak? Non, puisqu’avoir un défenseur comme Bernard Henri Lévy enlève tout soupçon sur le motif réel de l’arrestation de Polanski à Zurich.

Bernard Henri Lévy lance une première pétition sur le net dès le 26 septembre 2009 le jour de l’arrestation de Roman Polanski à croire qu’il avait été prévenu. Laura Tufféry dans «Roman Polanski, une question de survie» parle de Bernard Henri Lévy et de «ses nombreuses interventions dans la presse écrite et audiovisuelle, sa visite remarquée au cinéaste, et un discours qui évolue de la prise de parole au compte rendu régulier de la situation du réalisateur, l'identifient de plus en plus comme le porte-parole de Roman Polanski auprès de l'opinion publique nationale et internationale». Aussi, Roman Polanski sera de la fête pour les vingt ans de la revue La règle du jeu fondée par Bernard Henri Lévy. Polanski ému confiera à Arielle Dombasle : «Bernard Henri est devenu un vrai ami». Qui pourrait croire après cela que son arrestation avait à voir uniquement avec le contenu du film The Ghost Writer?