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mercredi 9 novembre 2011

Ban Ki-moon soigne son image de héraut de l’OTAN



Le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, a estimé aujourd’hui que la mort de Mouammar Kadhafi marquait « une transition historique pour la Libye » et a appelé les Libyens à l’unité nationale et à la réconciliation. La mort violente du colonel Kadhafi survenue jeudi 20 octobre n’a pas l’air d’avoir ému outre mesure le chef de l’ONU. Mais n’allez pas croire que cet homme est sans compassion. Car c’est avec « une grande tristesse » qu’il a appris deux jours plus tard le décès du Prince héritier d’Arabie saoudite Sultan bin Addul-Aziz Al Saud (sans commentaire par respect aux victimes du Bahreïn). Ce que cette déclaration souligne, c’est que Mouammar Kadhafi était finalement la cible. Du reste, pour encourager sa capture les rebelles avaient annoncé une récompense de près de 1,7 million de dollars (2 millions de dinars libyens) pour «son corps mort ou vif». Et deux jours à peine avant la mort de Kadhafi, la secrétaire d’État américaine Hilary Clinton s’était envolée pour Tripoli où elle avait déclaré : « J’espère qu’il sera bientôt capturé ou tué ». Son voeu exaucé, Hillary Clinton a été enregistrée, visiblement à son insu, en train de se réjouir de la mort de Kadhafi. Paraphrasant Jules César, elle s’extasie : « Nous sommes venus, nous avons vu, il mourut ! » Mais cela n’était pas pour surprendre Mouammar Kadhafi, lui qui disait en parlant de Saddam Hussein : « Comment un président arabe, un membre de la Ligue arabe a-t-il pu être ainsi pendu ? N’importe lequel d’entre vous pourrait être le suivant. Tout à fait ! Un jour, l’Amérique pourrait nous pendre ! » 

La CPI s’occupe de Kadhafi

L’ONU en tandem avec l’OTAN et en lien avec les forces du CNT est donc sortie de l’objectif de sa mission de protection de toute la population, pour adopter celui de la chute de Kadhafi et de son régime. Et confirmer magistralement par le représentant spécial de l’ONU pour la Libye, Ian Martin : « La Déclaration de Libération de Benghazi clôt un chapitre de l’histoire de la Libye. Quatre décennies de dictature brutale et de gouvernement autocratique ont tragiquement gâché le potentiel de toute une génération et d’immenses opportunités et de ressources qui auraient pu être investies en créant un État-nation prospère et moderne ». Cela a le mérite d’être clair, la Jamahiriya (« État des masses ») ce n’était pas sa tasse de thé. Cependant l’après Kadhafi n’était-il pas déjà envisagé dès l’instant où Mouammar Kadhafi a été visé par un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l'humanité? Saisi le samedi 26 février par le Conseil de sécurité des Nations unies - résolution 1970 - le procureur de la CPI Luis Moreno-Ocampo annonçait le jeudi 3 mars l'ouverture d'une enquête pour crimes contre l'humanité en Libye visant nommément le colonel Mouammar Kadhafi et son entourage immédiat alors que les troubles avaient commencé à la mi-février. C'est la première fois depuis l'ouverture de la CPI en 2002 que le procureur ouvrait aussi rapidement une enquête. 

La résolution 1970 du 26 février 2011 

Projet de résolution adopté à l’unanimité par les membres du Conseil de sécurité en plus d’être soutenu à la satisfaction du Conseil par la Ligue arabe, l’Union africaine et le Secrétaire général de l’Organisation de la conférence islamique. Cette résolution reconnaît et condamne « la violence et l’usage de la force contre les civils ». Elle dénonce « sans équivoque l’incitation à l’hostilité et à la violence qui émane du plus haut niveau du gouvernement libyen et dirigé contre la population ». Tous condamnent « les violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire qui sont commises en Jamahiriya arabe libyenne ». Tout ceci n’étant pas assez fort, le Conseil de sécurité en rajoute une couche : « les attaques systématiques et généralisées actuellement commises en Jamahiriya arabe libyenne contre la population civile pourraient constituer des crimes contre l’humanité ». Puis, pour finir, il se déclare : « préoccupé par le sort tragique des réfugiés forcés de fuir la violence en Jamahiriya arabe libyenne ». Avec l’emploi de tels mots comme violations graves des droits de l’homme, crimes contre l’humanité, ou encore sort tragique des réfugiés, on comprend qu’ il y a peu ou pas de place au doute. Pourtant, sur la même page, suite à une résolution du Conseil des droits de l’homme, on peut lire que le Conseil de sécurité se réjouit de l’envoi d’urgence « d’une commission internationale indépendante pour enquêter sur toutes ces violations présumées commises en Jamahiriya arabe libyenne et établir les faits et les circonstances de ces violations ainsi que des crimes perpétrés et, dans la mesure du possible, en identifier les responsables ». D’où viennent alors ces affirmations péremptoires? Viennent-elles des insurgés? À lire le document du Conseil national de transition (CNT) créé dès le 27 février « pour coordonner les différentes villes de Libye tombées aux mains des insurgés » on comprend que le pouvoir libyen est confronté à une guerre civile. D’ailleurs, le CNT parle déjà de « former un gouvernement pour l’après Kadhafi ». Et, les efforts pour former un gouvernement d’opposition « sont notamment soutenus par l’ambassadeur libyen aux États-Unis, Ali Suleiman Aujali et le vice-ambassadeur libyen aux Nations unies, Ibrahim Al Dabashi, qui déclare qu’il soutient en principe le nouveau gouvernement ». Finalement le Conseil de sécurité n’était-il pas face à une opération du style, en plus sophistiquée, de celle de Colin Powell exhibant sa petite fiole bidon? Au vu de la composition du Conseil (les 5 membres permanents et les 10 membres élus pour un mandat de deux ans) et de ses moyens réels de vérification sur le terrain, il est toujours à la merci d’une intoxication de cette nature. Cependant, même sans cette intoxication, dès l’instant que le processus de justification est mis en place en vertu du Chapitre VII de la charte des Nations Unies passe par-dessus l’article 40 pour s’appuyer uniquement sur l’article 41, l’antichambre de l’article 42 qui autorise l’emploi de forces armées, le rôle conciliateur de l’ONU est annulé, dans le sens où l’article 40 invite « les parties intéressées à se conformer aux mesures provisoires qu’il juge nécessaires... » Or, passer directement à l’article 41, c’est supprimer ce rôle de conciliateur et prendre parti pour un camp (ainsi, la résolution concernant les événements en Côte d’Ivoire - résolution 1975 - mentionne l’utilisation des unités de l’ONU, mais pas dans le but de soutenir l’une des parties en conflit. Car à la base, l’ONU ne peut pas soutenir une des parties au conflit, mais c’est ce qui s’est pourtant réellement passé). Cela procède en fait d’une orientation de fond : il n’y a plus qu’une seule partie au conflit digne d’être sauvée, car tout ce qu’elle fait est bien. Pourquoi Kadhafi serait-il un interlocuteur valable puisqu’il est dénoncé comme « dictateur »? Il ne peut plus être reconnu comme interlocuteur valable puisque déjà condamné des plus hauts crimes. Du reste, on ne lui a jamais donné d’autre choix que de se rendre sans condition (les discours de Hilary Clinton sont très éclairants à ce sujet). Une position qui n’a même plus besoin de se justifier puisqu’elle se fait justifier d’avance par la presse, la radio, la télévision, l’Internet. C’est pourquoi, les reproches qui sont faits par de nombreux pays et autres qui ont, dans un premier temps, accepté la résolution 1970, puis la résolution 1973, demandent maintenant que le mandat international soit respecté à la lettre, sans pathos verbaux ni appels guerriers au renversement de régime, sonnent faux. Ainsi, la Ligue arabe, par exemple, qui dans un premier temps avait approuvé le recours à la force et bien lors du sommet diplomatique à Paris, le 19 mars, elle a vivement critiqué les bombardements : « Ce qui s'est passé en Libye diffère du but qui est d'imposer une zone d'exclusion aérienne, et ce que nous voulons c'est la protection des civils et pas le bombardement d'autres civils », a expliqué son secrétaire général, Amr Moussa. Ce que la Ligue n’avait pas compris ou saisi, c’est qu’il n’y a pas « d’autres civiles » à protéger et d’autres pertes à comptabiliser, car il n’y a qu’un camp martyr au conflit d’où l’absence totale de bilan des pertes civiles et ennemies, d’estimation des dégâts matériels, l’autre camp ayant disparu à jamais. La destruction de Syrte, par l’OTAN et avec l’aide du CNT en est le parfait exemple. Toutes ces semaines où Syrte était dévastée depuis les airs, éclaire d’un jour cru la résolution 1973 qui a ouvert la porte à l’attaque sur la Libye sous le prétexte de la nécessité de protéger les civils, les manifestants pacifiques (sic). 

La résolution 1973 du 17 mars 2011

« Le jeudi 17 mars, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté une résolution (1973) permettant un recours à la force pour protéger la population libyenne des troupes du colonel Mouammar Kadhafi. Une opération militaire a été lancée samedi par la coalition des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France, de l’Italie et le Canada. Les premières frappes ont été portées par les chasseurs français. Cent dix missiles de croisière ont été tirés par la coalition dans la nuit du samedi au dimanche. » Le processus de l'ONU est remarquable pour deux raisons. Tout d'abord, la résolution a été adoptée par dix voix pour et cinq abstentions. Les gouvernements qui se sont abstenus - Russie, Chine, Inde, Brésil, Allemagne - représentent pourtant la grande majorité de l'humanité. Même si l'Union africaine avait décidé d’être contre une intervention extérieure et a appelé à une résolution politique du conflit, les deux gouvernements africains au Conseil de sécurité -Nigeria et l’Afrique du Sud - ont voté en faveur de la résolution, avant que ce dernier se rétracte quand il a découvert l'ampleur de l'intervention qui a réellement eu lieu. La deuxième chose importante sur le processus de l'ONU, c'est que, si le Conseil de sécurité est au coeur du processus de justification, il est périphérique dans le processus d'exécution. Après avoir autorisé l'intervention, le Conseil a laissé sa mise en oeuvre aux États membres, agissant à titre national et à des organisations. En pratique, l’application de la résolution 1973 peut être exercée que par ceux qui possédaient les moyens de le faire. Alors, elle est passée du Conseil de sécurité aux États-Unis et à l'OTAN. Si la légitimation est internationale, la mise en oeuvre est privatisée, en passant sous le contrôle des États membres les plus forts. Le résultat final est une coalition autoconstituée de pays volontaires. Mais le cas libyen est encore plus particulier, dans la mesure où cette chute du régime a été forcée par l’intervention de l’OTAN, sous le couvert des résolutions 1970 et 1973 du Conseil de sécurité de l’ONU, mais sans pour autant, selon l’OTAN, violer l’esprit et la lettre de la Charte des Nations Unies. Tous ceux qui ont des doutes devraient prêter attention à l’explication fournie par le secrétaire général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen : « l’OTAN et ses partenaires ont appliqué avec succès le mandat historique de l’Organisation des Nations Unies pour protéger le peuple de la Libye ». L’exportation de la démocratie par le biais de l’OTAN n’est pas vraiment ce que les peuples arabes attendaient même si nous avons vu bizarrement des gens réclamer son intervention.

Ban Ki-moon, le bienfaiteur armé

Le veto récent de la Chine et de la Russie contre une résolution similaire sur la Syrie (cette fois sans l’exclusion aérienne) est la première réponse à de telles résolutions. La « révolution libyenne » sera peut-être le dernier changement par la force d’un mauvais régime sous le couvert de l’ONU et son fameux Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. D’autant plus que le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, en visite en Libye (mercredi 2 novembre), après les visites de David Cameron et Nicolas Sarkozy, du premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, de la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton, tous faisant partie de l’OTAN, a appelé les autorités syriennes à mettre fin sans délai à « la répression du soulèvement populaire contre le régime du président Bachar al-Assad », avant d’ajouter que « c’est une situation inacceptable, en rappelant que les violences avaient déjà fait plus de 3000 morts » (depuis « la répression brutale des manifestations en Syrie a coûté la vie à plus de 3.500 personnes », a indiqué Ravina Shamdasani, une porte-parole du Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme (HCDH), lors d'une conférence de presse à Genève tenue le 8 novembre). De 3000 morts, nous sommes donc passés à 3500 morts en quelques jours même si selon Mme Shamdasani, depuis l'acceptation par le régime de Damas du plan arabe destiné à mettre fin aux violences 60 personnes de plus ont été tuées par les forces syriennes de sécurité. Reste que c’est le 2 novembre, que les autorités syriennes ont accepté le plan de sortie de crise mis au point par la Ligue arabe, qui prévoit plusieurs mesures destinées à « arrêter la violence dans le pays ainsi qu'à prévenir une ingérence étrangère dans les affaires intérieures de la Syrie ». Pour sa part, l'opposition syrienne rejette l'initiative de la Ligue arabe et continue de réclamer la démission du président Bachar el-Assad. Les États-Unis et l'Union européenne ont appelé le leader syrien à abandonner le pouvoir. Nous sommes donc exactement dans le même scénario que la Libye et avec le même tour de passe-passe puisque les seules victimes reconnues sont « les victimes innocentes désarmées tombantes sous les balles du méchant Bachar el Assad ». En ce qui concerne les autorités du pays, elles font état de 1500 victimes dont plus de 1100 policiers et militaire, mais elles n’arrivent pas, selon un scénario maintenant bien établi, à faire reconnaître « leurs » victimes auprès du HCDH et de Ban Ki-moon - ironiquement le même silence couvre les victimes de l’OTAN. Ainsi, pour Ban ki-moon et Cie Bachar al-Assad devient la réincarnation de Mouammar Kadhafi. Or, justement, c’est ce que souhaite éviter la Russie et la Chine en s'opposant à l'adoption de sanctions contre la Syrie parce qu’elles mèneraient à la guerre telle qu’elle se promeut de nos jours par l’OTAN et l’ONU de Ban Ki-moon. Cette mentalité qui mène à la guerre est inquiétante car unilatérale. Ban Ki-moon pourrait se situer au-dessus de la mêlée pour ne pas hurler avec les loups, surtout quand la meute louche avec insistance sur les réserves pétrolières d’un pays souverain, en prônant le dialogue, l’écoute des différentes parties et le renforcement de la diplomatie.